Editeur de mois : Marc de Hertogh, de la Banque Triodos

“Circularité des constructions : un changement des mentalités est nécessaire.”

À la Banque Triodos, nous avons fait de la durabilité du bâti et de l’habitat une priorité. Dans le cadre de notre objectif « As One to Zero » – qui vise la neutralité carbone dans toutes nos activités d’ici 2035 -, nous avons notamment entrepris d’évaluer l’impact de nos investissements et crédits. Il apparait que la principale source d’émissions de CO2 de nos crédits privés et professionnels se trouve dans les bâtiments de nos clients.

Notre approche se veut holistique et elle concerne aussi bien la rénovation et l’usage que la construction stricto sensu. En effet, un grand nombre de nos clients ne sont pas en mesure d’investir dans l’immédiat dans de nouvelles constructions ultra performantes. Songez par exemple aux nombreux centres culturels et ASBL que nous sommes fiers de financer. En ce qui concerne les nouvelles constructions, Triodos défend cependant une approche innovante ambitieuse, qui va bien au-delà de la performance énergétique. Notre objectif est de soutenir une transition vers des constructions circulaires.

Qu’entendons-nous par « construction circulaire » ? Ici encore, nous adoptons une approche multifactorielle. Suivant le principe de l’économie circulaire, il s’agit de s’éloigner d’un modèle linéaire, qui conduit inéluctablement les matières premières de l’extraction à la décharge, après seulement quelques (dizaines d’) années d’usage. Cela implique de nombreux changements. D’abord, il faut favoriser la prolongation de l’utilisation des bâtiments. Aujourd’hui, un maître d’ouvrage envisage en général une durée de vie de 15 à 20 ans pour un immeuble de bureaux, ce qui est insuffisant. Nous devons oser voir à (très) long terme, envisager la réaffectation des infrastructures (p.ex. en logement). En incluant cette vision dès la conception et le financement, il devient possible d’intégrer le surcoût de la circularité et de la neutralité des constructions tout au long du cycle de vie. Cela passe notamment par des aménagements modulaires, flexibles, démontables, qui anticipent la réaffectation.

Deuxièmement, le fonctionnement et l’utilisation du bâtiment doivent être eux-mêmes circulaires. Cela implique notamment la production et l’utilisation d’énergie solaire, la collecte des eaux pluviales, la réutilisation et l’épuration biologique des eaux usées locales, l’absorption de carbone atmosphérique par des aménagements naturels, etc. Et pour de nombreux postes de consommation, comme l’éclairage, Triodos mise sur le modèle dit de « servicialisation », c’est-à-dire la conception de « produits en tant que services ». Dans cette approche, qui fait primer l’usage sur la propriété, les utilisateurs achètent non pas des ampoules et des luminaires, mais des lumens – donc de l’intensité lumineuse. Le fournisseur a donc intérêt à s’engager dans la fabrication, l’entretien et la réparation de matériels de haute qualité, ayant une durée de vie prolongée et une efficacité énergétique optimale. Il est responsable de ses produits tout au long du cycle de vie, jusqu’au retraitement par le recyclage. Triodos finance dès aujourd’hui des pionniers de ce nouveau modèle, qui en est à ses premiers pas.

« Bien plus qu’un changement de matériaux ou de technologies, c’est un changement de mentalité qui est nécessaire.

Enfin, les matériaux et leur origine sont au cœur de notre attention. Ici encore, il faut sortir de la culture du « tout-à-jeter ». Toute proportion gardée, il y a un « fast real estate » comme il y a une « fast fashion » où la solution la moins chère, souvent à court terme, est privilégiée sur la solution efficace à long terme. Nous devons au contraire miser sur des matériaux durables. Durable, cela signifie d’abord qu’ils durent longtemps. Car des matériaux qu’on ne doit pas remplacer sont par définition plus écologiques. Auprès de nos clients qui construisent ou rénovent, nous encourageons notamment le réemploi. Il faut aussi anticiper la fin de vie des matériaux, qui doivent être le plus possible réutilisables et recyclables. Les matériaux peuvent alors survivre à leur usage initial et même au bâtiment qui les hébergent. Toutefois, à la Banque Triodos, nous mettons également l’accent sur les matériaux biosourcés, qui sont biodégradables et renouvelables. C’est le cas des fibres végétales, et en particulier du bois. Dans ce cas, l’origine est également cruciale. Pour être durable, une construction ou un aménagement en bois et matériaux biosourcés doit recourir à des matériaux produits de manière durable et certifiés comme tels. Ainsi, le cycle est fermé et la boucle est bouclée, dans tous les sens du terme.

Vous l’aurez compris, cette vision de la construction circulaire engage une « révolution ». Bien plus qu’un changement de matériaux ou de technologies, c’est un changement de mentalité qui est nécessaire. La Banque Triodos veut y contribuer à la fois à travers ses propres infrastructures, mais aussi en concevant et promouvant des outils et services financiers qui encouragent et renforcent la viabilité des projets de construction durable et des acteurs qui y sont engagés. C’est pourquoi nous sommes toujours heureux et motivés de pouvoir participer à la discussion et à la réflexion avec le secteur. Et nous promouvons notre vision de l’habitat durable et de la construction circulaire à travers de multiples articles, webinaires et conférences.

Edito rédigé par : Marc de Hertogh, de la Banque Triodos

Marc de Hertogh, Senior Relationship Manager Real Estate
marc.dehertogh@triodos.be

Mars 2023