Editeur du mois : Elisabeth Matton

Le réemploi, la circularité et les marchés publics, une véritable opportunité grâce à la synergie d’équipe, le projet Pagodes en témoigne.

© instructionpublique.bruxelles.be

Dans le cadre du plan écoles, la Ville de Bruxelles a lancé un marché de services « auteur de projet » pour l’extension de l’Athénée des Pagodes. La volonté d’y développer la notion de circularité était bien présente mais n’apparaissait alors que très sommairement dans le cahier des charges d’études. Je suis arrivée comme gestionnaire de projet et représentante du maître d’ouvrage, lors de la sélection des candidats « auteur de projet ».

Le véritable coup de pouce fut alors donné par l’octroi de subsides, remporté dans le cadre de l’appel à projet pour les communes et CPAS lancé par Bruxelles-environnement pour la mise en œuvre de projets environnementaux durables, me permettant d’être accompagnée par un expert en économie circulaire sur le projet. J’ai également suivi une série de formations et de workshops sur la thématique de la circularité et du réemploi afin d’élargir mon réseau et d’en apprendre davantage sur le sujet.

L’ambition initialement timide s’est amplifiée avec le temps. Une véritable synergie d’équipe a vu le jour. Nous avions tous envie de développer la circularité et le réemploi aussi loin que possible dans le projet.

Chacun, avec son niveau d’expertise, s’est lancé dans la tâche :

  • L’expert en économie circulaire a évalué la circularité et les possibilités d’amélioration du projet proposé via le logiciel C-calC, l’inventaire des matériaux et le plan de réemploi ;
  • L’équipe Auteur de Projet a, d’une part, poussé au maximum la conception du projet vers une architecture adaptable et réversible (voir article de la Newsletter de juillet) en tenant compte des conseils de l’expert en économie circulaire, et, d’autre part, s’est emparée de l’inventaire des matériaux pour y puiser des ressources de matériaux à réemployer in situ ;
  • En tant que représentante du maître d’ouvrage, j’ai soutenu et encouragé les propositions, j’ai profité de l’inventaire du mobilier pour développer une filière de restauration du mobilier avec le soutien des ateliers internes de la Ville et je me suis attelée au sujet complexe et jusque-là peu développé de l’intégration et de la faisabilité de l’ambition circulaire dans le marché de travaux.

De mon côté, les challenges étaient donc multiples : Comment intégrer la circularité et le réemploi de manière non anecdotique dans le marché de travaux ? Comment rester réaliste par rapport au marché fluctuant qu’est le réemploi tout en conciliant nos envies nos envies d’obligation de résultat ? Comment tenir compte des réalités des entreprises de construction ? Comment intégrer la circularité et le réemploi comme critères objectifs, comparables et quantifiables ?

A la suite d’échanges d’expériences pratiques avec d’autres pouvoirs publics ainsi que des acteurs du réemploi, mais également à la suite de la désignation d’un bureau d’avocats concernant les aspects juridiques, nous avons mis en place les éléments suivants pour intégrer le réemploi dans le marché public de travaux :

  • Prospection auprès d’entreprises de construction sous forme d’un échange au sujet des enjeux du projet, des délais, des critères d’attribution et de sélection envisagés, … ;
  • Intégration d’un critère de sélection exigeant un profil de référent réemploi au sein de l’équipe de chantier ;
  • Intégration d’un critère d’attribution au travers de l’outil C-calC: les soumissionnaires ont dû remplir l’outil afin d’améliorer le score de circularité du projet sur des éléments dont ils sont maîtres, comme par exemple, la provenance des matériaux.

Ce score devient ainsi contractuel. Il engage l’entreprise dans une obligation de résultat à atteindre à la fin de la construction, une pénalité financière s’appliquant si le résultat n’est pas atteint.

  • Intégration des notions d’obligation de moyen et d’obligation de résultat pour les matériaux de réemploi in situ. L’idée étant de prendre en compte la réalité du marché de réemploi en distinguant les matériaux dont les filières de réemploi existent et sont stables (obligation de résultat) ou non (obligation de moyen).
  • Possibilité d’octroyer un bonus financier au cas où l’entreprise démontre qu’elle met tout en œuvre pour tendre à un projet circulaire. L’idée étant de promouvoir aussi les moyens mis en œuvre et pas seulement le résultat. Je reste persuadée qu’il faut jongler avec le bâton et la carotte pour un résultat optimal.
  • Réflexion sur la remise d’offre de prix concernant les matériaux de réemploi en obligation de moyen dans le respect des marchés publics. Le système suivant a été retenu :
    • Un prix en quantité forfaitaire est prévu pour la démolition, l’enlèvement et l’évacuation standard du matériau.
    • Un prix en quantité présumée est prévu, comme supplément au prix précédent, pour l’enlèvement soigné, le stockage, la remise en état, … du matériau. Ce poste étant activable au cas par cas uniquement pour les quantités réellement réemployées.

A mon sens, l’aboutissement de ce dossier est étroitement lié à la synergie d’équipe : la collaboration de toutes les parties à leur niveau d’expertise, l’envie d’atteindre un idéal élevé sans laisser les contraintes les arrêter, la volonté de trouver des solutions, mais aussi et surtout les croyances personnelles de chacun dans la thématique circulaire.

Tout cela reste évidemment encore à éprouver lors du chantier. La synergie d’équipe est soumise à un équilibre délicat qu’il y a lieu d’entretenir.

Le prochain défi … un nouvel acteur dans l’équipe : l’entreprise de construction. J’espère qu’elle aussi verra l’opportunité du projet et que le chantier se déroulera dans le même esprit et avec le même idéal. Je croise les doigts.

 

Article rédigé par Elisabeth Matton

Septembre 2023